Les Belles Dames du temps jadis

Mademoiselle CLAIRON

CLAIRON (Claire-Josèphe-Hippolyte LEGRIS DE LATUDE, dite Mlle), actrice française, née en 1723 à Saint-Wanon de Condé (Flandre), morte le 18 janvier 1803. Elle n'avait que treize ans lorsqu'elle joua les soubrettes avec succès au Théâtre Italien. Elle parut ensuite sur les théâtres de Rouen, de Lille et d'autres villes de province. Le 19 septembre 1743 elle débuta au Théâtre-Français dans le rôle de Phèdre et se plaça bientôt parmi les plus illustres tragédiennes. Elle était belle, avec beaucoup de physionomie. Sa taille peu élevée semblait grandir avec les sentiments des reines et des héroïnes qu'elle représentait. Contrairement au jeu passionné et naturel de Mlle Dumesnil, sa rivale, elle empruntait tous ses effets à l'art et à l'étude. Elle suivait l'école de la déclamation - et non celle de la diction simple que venait d'illustrer Adrienne Lecouvreur - mais son intelligence et son talent faisaient oublier ce qu'il y avait d'artificiel dans sa manière. Dorat l'a peinte dans les vers suivants :

 

                          Ses pas sont mesurés, ses yeux remplis d'audace

                          Et tous ses mouvements déployés avec grâce.

                           Accents, gestes, silence, elle a tout combiné ;

                           .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . .  .  .  .  .  .   .  .  .

                           Tout, jusqu'à l'art, chez elle a de la vérité.

 

   Ayant refusé de jouer, ainsi que plusieurs de ses camarades, avec un comédien nommé Dubois qui avait commis un acte d'improbité, elle fut envoyée au Fort-l'Évêque, et, blessée, de cette punition, renonça au théâtre en avril 1765 1. Elle n'avait que quarante-deux ans. Ses principaux élèves furent Larive et Mlle Raucourt.

   Les faiblesses amoureuses de Mlle Clairon donnèrent lieu à beaucoup de calomnies, qui furent réunies dans un libelle intitulé : Histoire de Frétillon. Elle publia elle-même ses Mémoires (Paris, 1799, in-8), qui sont moins intéressants par les anecdotes que par les réflexions judicieuses sur l'art dramatique et par l'analyse des principaux rôles qu'elle a joués. Elles ont été réédités par Andrieu (Paris, 1822, in-8).

 

1) Dans Le Tableau de Paris, publié en 1781, Louis-Sébastien Mercier écrit dans le chapitre Comédiens :

   "Les comédiens seront toujours des excommuniés, jusqu'à ce qu'il plaise au roi, au Parlement et au clergé de lever l'anathème. Tel est l'empire de la coutume, des préjugés, ou, si vous l'aimez mieux, de l'inconséquence nationale. Ils auront plus tôt fait de rire de l'excommunication que de vouloir s'en affranchir.

   "La demoiselle Clairon ayant fait un mémoire à consulter sur cet objet, l'avocat entreprenant et téméraire fut aussitôt rayé du tableau, et l'amante de Tancrède se trouva obligée  de procurer un état à son défenseur qui avait perdu le sien en tâchant de la réconcilier avec l'église. L'avocat, plein de son sujet, monta bientôt sur le théâtre  mais il n'y fut pas plus heureux qu'au barreau, et l'excommunication alla se placer sur sa tête ainsi que sur celle de Mademoiselle Clairon.

   "Elle prit, quelque temps après, de l'humeur contre le public : un acteur ou une actrice ont toujours tort de bouder cet auguste. Elle avait refusé de jouer, la salle étant pleine et le rideau levé, à raison de je ne sais quelles rixes de foyer. Elle fut fort maltraitée du parterre et, le soir même, elle alla coucher au For—l'Évêque. Pour se  venger des clameurs de ce parterre insolent et de ceux qui l'avaient emprisonnée elle abandonna le théâtre, pensant que, le lendemain, on serait à ses genoux pour la supplier de vouloir bien rentrer. Qu'arriva-t-il ? Le public l'oublia, et elle perdit son talent, faute d'exercice. Elle passa, dans l'obscurité et loin des applaudissements, des jours qui auraient été remplis et glorieux sous l'habit de Melpomène, qu'elle faisait parler avec une sorte de dignité…"

 

 

 



11/12/2011
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