Ninon de LENCLOS
LENCLOS (Anne, dite Ninon, de), née le 15 mai 1616 à Paris, morte le 17 octobre 1706. Fille d'un gentilhomme de Touraine qui professait l'épicurisme, elle se laissa aller à la pente facile des enseignements paternels. Les charmes de sa figure, les grâces de sa personne, s'unissaient à une éducation soignée. C'est par l'esprit et, malgré son humeur volage, par quelque chose de sérieux dans l'esprit qu'elle s'attacha plusieurs de ses nombreux amants qui restèrent ses adorateurs. Saint-Évremond, qui l'avait surnommée Léontium, disait que son âme était formée "de la volupté d'Épicure et de la vertu de Caton" . C'est une louange d'une exagération singulière. Au déclin de l'âge, du moins, sans renoncer à la licence de ses mœurs, elle fit de sa maison un cercle de bonne compagnie où l'on venait apprendre la politesse, le ton du monde, l'esprit de la conversation : une sorte d'Hôtel de Rambouillet. Celle qui avait eu pour amants les Châtillon, les Condé, les Longueville, les d'Estrées, les La Rochefoucauld, les Villarceaux, recevait alors Mmes de La Sablière, de Sully, de La Fayette, de Coulanges, de Castelnau, etc. Mme de Maintenon recommadait son frère aux "leçons de Léontium". Mme de Sévigné, dont le fils fut au nombre des plus passionnnés adorateurs de Ninon, en parle souvent et sans paraître fort choquée de sa conduite. Ninon, à ce que l'on rapporte, eut de l'influence sur Molière par ses encouragements et même par ses conseils. Quelques mois avant sa mort elle vit Voltaire, alors âgé de treize ans ; charmée de son esprit et de son talent précoces, elle lui légua deux mille francs, pour acheter des livres. On n'a de Ninon que quelques Lettres à Saint Evremond, imprimées dans les œuvres de ce dernier. Elles sont de sa vieillesse et d'un esprit désenchanté. Sèches et incorrectes, elles ne peuvent nous donner une idée de ce que fut, dans son beau temps, celle qui les écrivit ; elles ne rappellent en rien son enjouement spirituel et railleur. Les Lettres de Ninon de Lenclos au Marquis de Sévigné (Paris, 1752, 2 vol. in-12) approchent plus de ce ton ; mais elles sont apocryphes. Il en est de même de la Correspondance secrète de Ninon de Lenclos avec M. de Villarceaux et Mme de Maintenon (Paris, 1789), ainsi que des Mémoires de Ninon de Lenclos, publiées par Eug. de Mirecourt, avec un avant-propos de Méry (1852). - Le personnage de Ninon a été plusieurs fois porté au théâtre, vers le commencement de ce siècle, par Vigée, Aug. Creuzé, Henrion, Em. Dupaty.