Mademoiselle MARS
MARS (Anne-Françoise-Hippolyte BOUTETR-MONVEL, dite Mlle), célèbre actrice française, née à Paris le 9 février 1779, morte dans cette ville le 20 mars 1847. Fille de l'acteur Monvel et d'une actrice, Marguerite Salvetat, elle parut dès l'âge de treize ans dans des rôles d'enfant au théâtre Montansier auquel était attaché son père. Elle y joua avec succès notamment un rôle travesti du Désespoir de Jocrisse. En 1795 elle passa avec une partie de la troupe du théâtre de la Nation au théâtre Feydeau, où les encouragements et les conseils de Mlle Contat eurent pour elle une influence décisive. Quatre ans plus tard (1799) elle était reçue sociétaire du Théâtre-Français qui venait de se reconstituer. Elle y remplit les rôles de jeune amoureuse avec une grâce, une intelligence et une sensibilité qui lui valurent en 1800, dans Le Sourd - Muet de l'Abbé de l'Epée, un véritable triomphe. Elle partagea avec diverses actrices et disputa pendant quinze ans à Mlle Leverd les premiers rôles d'ingénue, non sans aborder ceux de grande coquette. Son humeur envahissante et jalouse excitait, à la Comédie Française, des querelles intérieures qui avaient souvent leur retentissement dans le parterre ou dans la presse. Elle créa des rôles dans un nombre considérable de pièces nouvelles, parmi lesquelles on cite : Pinto de Lemercier ; Le tyran domestique, La jeunesse de Henri V et La fille d'honneur, d'Alex. Duval ; Brueis et Palaprat et La jeune femme colère, d'Etienne ; Valérie et le Mariage d'Argent, de Scribe ; l'Ecole des Vieillards, Aurélie, les Enfants d'Edouard et la Popularité, de Casimir Delavigne ; Henri III et Mllede Belle-Isle, d'Alex. Dumas ; Le More de Venise, d'Alf. de Vigny ; Hernani et Angelo, de Victor Hugo ; Clotilde de Frédéric Soulié et A. Bossange ; Louise de Lignerolles, de Dinaux et Legouvé, etc. Parmi ces œuvres figurent, comme on le voit, à côté de comédies en prose ou en vers, des tragédies et des drames.
L'incontestable supériorité de Mlle Mars dans la comédie ne l'empêchait pas de rechercher le succès dans des genres plus sévères. On remarquera aussi qu'elle ne craignit pas de s'associer aux luttes de la jeune école romantique contre les anciens classiques et de contribuer au succès des novateurs malgré ses répugnances pour quelques unes de leurs hardiesses systématiques. Elle ne négligeait pas l'ancien répertoire, et elle trouva ses triomphes les plus complets dans les Femmes savantes, le Misanthrope et Tartuffe. Les rôles de Marivaux ne lui convenaient guère moins que ceux de Molière ; elle trouva un de ses succès les plus durables dans celui de la Suzanne du Mariage de Figaro. Mlle Mars était une ingénue et une coquette accomplie avec plus de grâce et d'esprit toutefois que d'ampleur. Elle avait un charme, une séduction, où l'art et le naturel entraient également. Son talent d'artiste était secondé par les charmes de la personne, l'élégance de la taille et des mouvements, la grâce exquise du sourire et surtout le timbre harmonieux de la voix. On a remarqué que son organe garda toute sa fraîcheur et son accent de jeunesse jusque dans un âge avancé. A soixante ans passés, dans le rôle d'Henriette des Femmes savantes, ou même dans celui, plus jeune encore, de Suzanne du Mariage de Figaro, sa voix faisait une illusion complète à l'oreille. Sa science de la toilette, poussée au dernier point, lui donnait aussi la prétention de pouvoir faire également illusion aux yeux. Mlle Mars fut, sous les divers régimes qu'elle a traversés, aussi recherchée des plus hauts personnages que choyée du public. Eprise d'une admiration qu'elle ne cachait pas pour Napoléon, elle fut, ainsi que Talma, protégée par Louis XVIII qui garantit en 1816 aux deux sociétaires, malgré la baisse des recettes de leur théâtre, un traitement minimum de 30 OOO fr. Elle dût à ses succès une fortune qui lui permit, après avoirsubi des pertes ou des vols considérables, de laisser un opulent héritage.