Les Belles Dames du temps jadis

Mademoiselle de LESPINASSE

de LESPINASSE (Claire-Françoise, ou, suivant d'autres, Julie – Jeanne -Eléonore), née en 1731 ou 1732 à Lyon, morte le 23 mai 1776. Elle était fille naturelle. Grimm affirme que sa mère fut la comtesse d'Albon, alors séparée de son mari. Quant à son père, la chronique scandaleuse de l'époque nomme le cardinal de Tencin. La comtesse d'Albon, du moins, lui donna une éducation distinguée mais en mourant la laissa sans ressources. Mlle de Lespinasse accepta d'abord une place d'institutrice puis, en 1754, entra comme lectrice et demoiselle de compagnie chez Mme du Deffand. Les premières années de cette vie en commun furent très heureuses pour l'une et pour l'autre  mais la manière de vivre de Mme du Deffand, ses exigences, ses bizarreries et surtout son esprit positif, qui s'accordait mal avec l'imagination romanesque de sa compagne, amenèrent peu à peu de la froideur puis de l'antipathie.  Plusieurs des habitués du salon de la marquise, et en particulier d'Alembert, trouvèrent tant de charme à la conversation de l'orpheline qu'ils devançaient à dessein l'heure des réunions pour s'entretenir avec elle dans son appartement privé. La marquise se plaignit que Mlle  de Lespinasse lui enlevait ses amis et rompit brusquement avec elle  en 1764. D'Alembert et d'autres écrivains quittèrent en même temps la maison de Mme du Deffand ; ils obtinrent pour leur protégée, par l'entremise du duc de Choiseul, une gratification annuelle sur la cassette du roi ; Mme Geoffrin lui fit une pension de 3000 francs, et Mme de Luxembourg lui meubla un appartement  rue Bellechasse. C'est là qu'elle tint son salon, qui, par son tact, son esprit et surtout par la chaleur de ses sentiments et de son  langage, devint l'un des plus remarquables du XVIIIe siècle. On peut voir chez les contemporains quelle séduction elle exerçait sur son entourage, malgré la laideur de ses traits que la petite vérole avait entièrement défigurés. D'Alembert, qui vint demeurer près d'elle, lui montra toujours la plus tendre amitié, sans que la malice ou l'envie ait jamais porté atteinte à la pureté de ces relations. Mais Mlle de Lespinasse, avec son imagination de feu, ne pouvait se contenter d'une liaison fraternelle et, par moments, l'affection de d'Alembert lui était à charge. Elle écrivait : "Je verrais partir avec une sorte de plaisir M. d'Alembert. Sa présence pèse sur mon âme et me met mal avec moi-même ; je me sens trop indigne de son amitié et de ses vertus." Elle aima le marquis de Mora, fils de l'ambassadeur d'Espagne en France, que sa famille inquiète rappela bientôt. Ce départ la mit au désespoir mais, avant d'être guérie de cette passion, elle en conçut une autre pour le comte de Guibert, l'auteur d'un Essai de tactique, qui devint maréchal de camp et fut membre de l'Académie française. Celui-ci s'étant marié en 1775, elle tomba dans des accès de désespoir. Les Lettres qu'elle lui avait écrites sont pleines d'une tendresse passionnée, d'une exaltation romanesque et d'un trouble extrême.  La veuve du comte de Guibert les a publiées avec une préface par Barrère de Vieuzac (paris, 1809, 2 vol. in-8). On a publié en outre : Nouvelles lettres de Mlle de Lespinasse, suivies du portrait de M. de Mora et d'autres opuscules (1820, in-8). Les lettres de ce recueil ne sont pas authentiques. Une édition du premier recueil a été donnée en 1847 avec une Introduction de M. Jules Janin, qui s'est montré d'une sévérité outrée contre Mlle de Lespinasse.



12/12/2012
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